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Alerte RPS et DUERP : comment le CSE peut agir ?

Les risques psychosociaux (RPS) — stress chronique, harcèlement, épuisement professionnel — sont aujourd’hui l’une des premières causes d’arrêts maladie et de désengagement des salariés. Il arrive que le DUERP aborde les RPS de manière succincte, ce qui ne permet pas d’identifier clairement les situations à risque.

Pour un CSE, il est donc essentiel de savoir comment réagir lorsqu’une évaluation RPS est insuffisante, et quelles démarches entreprendre pour obtenir une véritable prévention des risques.

Rappel du cadre légal : DUERP et obligation de sécurité

L’article L. 4121-1 du Code du travail précise : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. ».

Cela implique trois obligations :

  • Évaluer les risques pour la santé (physique et mentale).
  • Mettre à jour régulièrement cette évaluation (au moins 1 fois/an ou en cas de changement important).
  • Mettre en place des actions de prévention et de protection adaptées.

Le DUERP (Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels) est l’outil central pour formaliser cette démarche. Depuis la réforme de 2022, il doit :

  • Recenser tous les risques professionnels, y compris les RPS.
  • Déboucher sur un programme annuel de prévention (PAPRIPACT) pour les entreprises de plus de 50 salariés.
  • Être présenté au CSE, qui rend un avis consultatif.

Quand l’évaluation des RPS est insuffisante

Dans la pratique, l’évaluation des risques psychosociaux est parfois traitée de manière superficielle :

  • Utilisation d’une grille générique sans concertation avec les salariés.
  • Mention “RPS non significatif” renseignée sans éléments explicatifs.
  • Absence d’indicateurs relatifs au stress, au harcèlement ou à l’absentéisme.
  • Aucun plan d’action spécifique mis en place.

Résultat : un DUERP rédigé de façon trop superficielle n’est pas conforme à la réglementation. Les risques psychosociaux ne sont alors pas réellement pris en compte, laissant l’entreprise exposée à des arrêts longue durée, notamment liés à des burn-outs, ainsi qu’à d’éventuels contentieux.

Les RPS ne se résument pas à l’ambiance ou à la communication interne. Ils tiennent d’abord à la charge de travail, à l’autonomie dont disposent les salariés et au soutien de l’entourage professionnel, mais aussi au manque de reconnaissance, aux conflits de valeurs ou encore à l’insécurité socio-économique.

 

 

Le rôle du CSE : consultation et avis sur le DUERP

Le CSE n’a pas à valider le DUERP, mais il doit être consulté lors de sa présentation, conformément à l’article L.2312-8 du Code du travail.

Cette consultation est aussi l’occasion d’examiner spécifiquement la manière dont les risques psychosociaux ont été évalués et pris en compte.

Les élus peuvent ainsi :

  • D’obtenir la méthodologie utilisée pour l’évaluation des RPS.
  • De vérifier que les risques psychosociaux sont bien couverts.
  • De rendre un avis motivé (positif ou négatif).

Un avis défavorable motivé est un levier puissant :

  • Il oblige l’employeur à justifier son analyse et ses choix
  • Il devient une trace officielle (PV) en cas de contrôle de l’Inspection du travail ou de contentieux.
  • Il peut déclencher un dialogue sur l’amélioration de l’évaluation (ex : proposer un diagnostic RPS externe).

Par ailleurs, le DUERP doit être tenu en permanence à la disposition des élus du CSE, conformément à l’article R.4121-4 du Code du travail. »

L’alerte « danger grave et imminent »

Si le CSE constate qu’un risque grave pour la santé existe (ex : burn-outs répétés, harcèlement non traité), il peut déclencher l’alerte DGI prévue par l’article L. 4131-2 du Code du travail.

Il s’agit d’une procédure en 4 étapes :

  • Constat du danger grave et imminent par un élu ou un salarié.
  • Inscription dans le registre spécial des dangers graves et imminents.
  • Alerte immédiate de l’employeur pour procéder à une enquête conjointe avec le membre du CSE ayant signalé le danger.
  • Réunion d’urgence du CSE pour proposer des mesures à prendre (Exemple : suspension de l’activité dangereuse, aménagement de l’organisation du travail, recours à la médecine du travail, déclenchement d’une expertise...).

 

Le registre spécial sert à consigner officiellement les alertes de danger grave et imminent. Celui-ci est mis à disposition par l’employeur, mais ce sont les élus du CSE qui y consignent les alertes.

Ce levier doit être utilisé avec sérieux : une alerte infondée peut dégrader les relations sociales. Mais bien utilisée, elle permet d’obliger l’employeur à agir rapidement pour prévenir un drame.

Bonnes pratiques pour un CSE proactif

Pour éviter d’en arriver à une crise :

  • Demander la méthodologie complète de l’évaluation des RPS (questionnaires, entretiens, indicateurs).
  • Pointer les oublis : stress, surcharge, harcèlement, isolement, télétravail mal encadré…
  • Formuler des recommandations : enquête RPS anonymisée, groupes de travail, plan d’action concret.
  • Travailler avec un expert agréé en cas de blocage ou de risque grave.
  • Suivre les actions correctives et demander un bilan lors des consultations suivantes.

Exemple concret : dans une PME industrielle de 1250 salariés, le DUERP mentionnait simplement “RPS : risque faible”. Or, le CSE avait constaté 14 burn-outs et beaucoup de départs en quelques mois.

Les élus ont rendu un avis défavorable, pointant l’absence de données chiffrées et l’omission de l’évaluation du stress et de l’épuisement professionnel.

L’avis a été inscrit au PV et transmis à l’inspection du travail. Résultat : l’employeur a accepté de financer un diagnostic RPS externe, mené via une enquête anonyme et des entretiens.

Cette démarche a permis d’identifier une surcharge dans deux services et de mettre en place des actions correctives (embauches, régulation des objectifs).

L’intérêt d’un diagnostic RPS sérieux

Un diagnostic solide présente plusieurs avantages :

  • Sécurité juridique : l’employeur prouve qu’il a rempli son obligation de prévention.
  • Réduction du risque d’absentéisme : les causes profondes de stress sont traitées.
  • Amélioration du climat social : les salariés se sentent écoutés.
  • Meilleure performance globale : moins de turnover, plus d’engagement.

Conclusion : de l’alerte à l’action

Pour le CSE, un DUERP incomplet sur les RPS n’est pas une fatalité.

Rendre un avis motivé, proposer un diagnostic complémentaire et, en dernier recours, déclencher une alerte « danger grave et imminent » font partie des leviers à sa disposition.

L’enjeu n’est pas de “faire condamner l’employeur”, mais de mettre en place une vraie démarche de prévention qui protège les salariés, réduit les coûts humains et financiers, et renforce la Qualité de Vie au Travail.

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Thomas Röhm

Thomas Röhm est co-fondateur de IDTree, la plateforme pour mettre en place votre démarche QVT.

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