ANI, ordonnances Macron et loi Rebsamen... Il n'est pas toujours simple de connaître ses obligations en tant qu'employeur. Nous vous proposons un éclairage simple et pratique sur les principaux aspects de vos obligations en ce qui concerne la QVT et le télétravail.
Accord National Interprofessionnel
L'ANI n’impose aucune obligation légale en matière de QVT, l’accord ayant pour but de définir un objectif et d’initier une véritable démarche QVT dans le monde du travail.
La QVT en 10 points
Qualité des relations sociales : le dialogue social permet aux collaborateurs et à l’entreprise de négocier et de construire ensemble l’organisation au travail. L’objectif est de permettre aux collaborateurs de travailler dans les meilleures conditions possibles. Ce dialogue constant permettra de mutualiser les bonnes pratiques, d’améliorer les conditions de travail et de désamorcer les conflits avant qu’ils ne soient ancrés dans l’entreprise.
Qualité des modalités de mise en œuvre de l’organisation du travail : il s’agit là d’échanger sur les moyens mis en œuvre pour organiser le travail : par exemple un emploi du temps concret, clair et précis sur les objectifs et les missions de chaque acteur. Cette organisation doit leur permettre d’effectuer leur travail dans les meilleures conditions (sans stress, sans avoir peur des conséquences par exemple).
Qualité de l’environnement physique : la mise à disposition d’espaces confortables (lumineux, pas trop bruyants, avec une bonne température, ...) s’est aussi imposée depuis quelques années comme un élément incontournable des entreprises les plus attractives. De plus, depuis la mise en place du télétravail massif, le bureau peut se trouver au domicile du salarié ou même dans des tiers-lieux. Il est parfois compliqué de trouver un endroit adéquat à domicile et de pouvoir différencier un espace professionnel au cœur du foyer.
Qualité du contenu du travail : pour que le travail soit considéré comme intéressant par les collaborateurs, il faut qu’ils trouvent du sens dans leurs missions. Pour cela, un collaborateur doit comprendre les enjeux et la finalité de ses tâches. Le collaborateur peut ainsi voir l’impact réel de son travail. Pour augmenter encore plus leur bien-être, les collaborateurs devraient pouvoir varier leurs tâches pour limiter la répétition et l’ennui et avoir accès à un feedback important afin de pouvoir s’améliorer continuellement.
Possibilité de réalisation et de développement personnel : être bien au travail c’est aussi pouvoir développer ses compétences et faire évoluer sa carrière. Une entreprise qui aide ses collaborateurs à grandir et à gagner en responsabilités limite le turnover, le bore-out (syndrome d'épuisement professionnel par l'ennui) ou encore le burnout.
Possibilité de concilier vie professionnelle et vie personnelle : pour être bien au travail, il faut pouvoir différencier sa vie privée et professionnelle. Pour cela, le droit à la déconnexion, une limitation des heures supplémentaires, définir les priorités et tracer des limites claires permettent de concilier au mieux les deux vies d’un salarié.
Qualité des relations de travail : il sera plus facile pour l’intégralité des collaborateurs d’être heureux et motivés pour aller travailler si les relations de travail sont bonnes. Pour cela la communication est le socle de toutes bonnes relations ; de même que le respect, la compréhension, la bonne humeur et l’esprit d’équipe. Les collaborateurs trouveront du plaisir à passer du temps ensemble tout en travaillant. Ces relations fortes permettent également de diminuer le turnover. C’est aussi le moteur de l’apprentissage, car de bonnes relations garantissent une meilleure utilisation des compétences.
Qualité de l’engagement de tous et à tous les niveaux de l’entreprise : un collaborateur engagé est motivé pour atteindre les mêmes objectifs que son entreprise. Il partage la vision et les valeurs de l’organisation et sait pourquoi il se lève le matin. C’est pourquoi, peu importe le poste ou le type de contrat, tous les collaborateurs doivent être respectés et leur travail doit être valorisé.
Qualité de l’information partagée au sein de l’entreprise : la communication doit être fluide et les échanges nombreux pour qu’une entreprise réussisse. En effet, l’isolement des salariés pourra nuire au bon fonctionnement de l’équipe. Communiquez donc sur une base régulière avec vos collaborateurs. Depuis le télétravail, il est d’autant plus important d’instaurer des habitudes de communication plus fréquentes.
Respect de l’égalité professionnelle : la diversité des collaborateurs est une chance pour les entreprises qui se développent. Une entreprise qui a une politique d’égalité professionnelle est plus apte à recevoir les talents de tous les horizons en ne limitant ainsi aucune de ses chances d’obtenir la meilleure équipe possible.
Depuis l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020, on parle parfois de "Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT)".
L'Accord National Interprofessionnel
L'ANI du 26 novembre 2020 sur le télétravail reste une référence structurante, notamment suite à sa publication après la crise sanitaire. Cet accord :
Met en avant de nouvelles problématiques comme l'adaptation des pratiques managériales en télétravail ou encore la formation des managers et des collaborateurs aux pratiques du télétravail.
Précise certaines règles comme le champ des postes télétravaillables, le principe de double volontariat, l’obligation que le refus soit motivé pour l’employeur, la prise en charge des équipements et des frais professionnels.
Définit la réversibilité garantie. Employeur et salarié peuvent - à l’initiative de l’un ou de l’autre - convenir de mettre fin au télétravail et d’organiser le retour du salarié dans les locaux de l’entreprise dans l’emploi tel qu’il est précisé dans son contrat de travail.
Le fait que le télétravail peut être mis en place dès l'embauche.
La loi Rebsamen
La loi Rebsamen a changé le fonctionnement des entreprises, notamment en matière de représentation du personnel, de l'information-consultation et de la négociation annuelle obligatoire.
Une grande partie des modifications introduites par cette loi ont été ensuite reprises par les ordonnances Macron de 2017 qui ont modifié les différentes instances représentatives du personnel en vigueur à l'époque pour les fusionner dans une instance unique : le CSE.
Points abordés dans la loi Rebsamen
Nouvelle délégation unique du personnel (DUP)
Nouvelles modalités pour le CHSCT : notamment la mise en place obligatoire d’un règlement intérieur
Modification du contenu et des modalités du dialogue social : consultation annuelle sur 3 sujets principaux (salaires et temps de travail, égalité professionnelle et qualité de vie au travail), possibilité d’accord pour aménager ces consultations, …
Nouvelles mesures en ce qui concerne les représentants du personnel : entretien individuel en début/fin de mandat par exemple.
Allègement du dispositif de disponibilité
Suppression de l’obligation de reclassement si cela s’avère dangereux pour la santé du salarié (uniquement si l’inaptitude est d’origine professionnelle)
Surveillance médicale accrue
Modification des dispositifs de formation tel que le contrat de professionnalisation, le contrat d’apprentissage, le compte personnel de formation et le compte personnel d'activité.
Impact sur la négociation annuelle obligatoire : une organisation de la négociation obligatoire autour de grands thèmes : temps de travail, égalité professionnelle, qualité de vie au travail, rémunération et partage de la valeur ajoutée.
Les ordonnances Macron concernant la QVT de 2017 appuient d’autant plus la loi Rebsamen car cette dernière accorde la priorité aux accords d’entreprise sur les accords de branche tandis que les ordonnances allouent une place prépondérante aux négociations d'entreprise sur différentes thématiques sociales.
Ainsi, les accords d’entreprise, qui passent souvent par une négociation préalable, seront d’autant plus importantes pour l’organisation.
Voici les 3 blocs de dérogation :
Les accords de branche priment sur les accords d'entreprise pour 13 thèmes.
Les accords de branche priment de manière optionnelle pour la prévention de l'exposition aux facteurs de pénibilité, l'insertion et le maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés, les conditions de désignation des délégués syndicaux et les primes pour travaux dangereux ou insalubres.
Les accords d'entreprise priment pour les choses non citées dans les deux premiers blocs tels que les primes des salariés, les jours fériés travaillés ou chômés et la durée de préavis en cas de rupture du contrat de travail.
Le télétravail permet de réduire le risque d'infection au Covid-19 en limitant la fréquentation des transports en commun par exemple. Il s'agit d'une obligation pour l'employeur de protéger la santé physique et mentale et d'assurer la sécurité des salariés.
Le télétravail était rendu obligatoire durant la crise sanitaire, mais aujourd'hui, sa mise en œuvre repose sur un accord collectif, une charte ou un accord individuel, sans obligation légale généralisée.
Le télétravail est mis en place dans le cadre d'un accord collectif ou -à défaut - d'une charte élaborée par l'employeur après avis du Comité Social Economique (CSE) s'il existe. Cependant, en l'absence d'accord ou de charte, employeur et salarié peuvent formaliser un accord par tout moyen.
En cas de force majeure, comme une crise sanitaire ou un événement empêchant le travail en présentiel, l’employeur peut imposer le télétravail sans accord préalable. la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme « un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés. » L'employeur peut ainsi imposer le télétravail à ses salariés, sans avoir à obtenir leur accord, ce qui est impossible en temps normal.
Que faut-il faire pour être conforme ?
Une obligation légale incite les entreprises à s’emparer du sujet de la Qualité de Vie au Travail dans le cadre de leurs accords issus des négociations sociales. Si les obligations de négocier portaient initialement sur des thèmes relatifs au travail (pénibilité, seniors, égalité professionnelle homme/femme), les thématiques ont été étendues à celles liées à l’amélioration de la QVT telle que cité auparavant avec l’Accord National Interprofessionnel du 19 juin 2013.
Ce qu'indique le code du travail :
Article L4121-1 du Code du travail : L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent : des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation ou encore la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Article L4131-1 du Code du travail : Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation.
Article L2281-2 du Code du travail sur la négociation sociale : L’expression directe et collective des salariés a pour objet de définir les actions à mettre en œuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l’organisation de l’activité et la qualité de la production dans l’unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l’entreprise.
La loi du 2 août 2021 a renforcé les obligations des employeurs en matière de santé au travail, notamment sur la prévention primaire et l’adaptation continue du Document Unique d’Évaluation des Risques (DUERP).
Thiéfaine Peltier
Experte sur les sujets liés à la Qualité de Vie au Travail, Thiéfaine Peltier est membre de l'équipe IDTree depuis 2020.
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